Quel Plan pour le Nord

Dec 22, 2012

Quel Plan pour le Nord

C’est dans le but d’entendre des témoignages sur la perception du Plan Nord et, plus globalement, des projets de développement industriel, de leurs enjeux et des différentes façons de s’y opposer, que nous nous sommes proposé de visiter quelques unes des communautés directement touchées. Cette bande-annonce est composée d’extraits d’entrevues réalisées avec des membres des communautés innues de Mashteuiatsh, de Pessamit, de Nutashquan, de Mani-Utenam, de Uashat, de Matimekush, de la communauté Naskapi de Kawawachikamach, puis des personnes habitant le Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord rencontrées sur la route. Nous travaillons présentement sur la Semence, que vous pourrez regarder sur le blogue sous peu.  

     
Nous entendons parler du Plan Nord depuis quelques années déjà. Jean Charest en a fait son cheval de bataille au cours de son dernier mandat, et le nouveau gouvernement de Pauline Marois, qui a d’abord critiqué ledit Plan –surtout sa non-rentabilité pour l’État— pour ensuite reléguer le sujet aux oubliettes pendant quelque temps, en a graduellement  repris les rênes.
Si la nature du  Plan Nord  est restée floue pour certains, sa finalité « officielle » ne l’est plus depuis longtemps : l’idée de « développement », mot valise qui convainc de par son importance dans l’imaginaire occidental. Il serait nécessaire, mais surtout, inévitable. Y-a-t’il réellement un changement d’idéologie entre le PQ et le PLQ ? Certes pas au niveau de la conception de l’économie, et donc du développement : le territoire est un réservoir de ressources naturelles inépuisables que nous devons exploiter afin de maintenir une croissance infinie qui assurera notre compétitivité sur le marché mondial. Pour ce faire, rien de mieux qu’une ouverture des marchés facilitée par des conditions attrayantes –telles que des exemptions fiscales et la mise en place, par l’État, des infrastructures nécessaires (barrages hydroélectriques, routes, etc.)– pour les investisseurs. Nous savons maintenant que ce Plan de « développement » au nord du 49e parallèle prend forme quasi-exclusivement dans le secteur minier, et que les communautés environnantes doivent se contenter de « retombées » qui apparaîtront à travers les emplois créés, les contrats alloués aux entreprises régionales, etc.

La finalité « officieuse » du Plan Nord --qui n’exclue évidemment pas la première— s’inscrit dans la continuité historique des relations entre les gouvernements et les Premières Nations : l’occupation, et donc le contrôle du territoire. Il faut se rappeler que le « Nord » du Québec est constitué de territoires ancestraux des Nations autochtones. Une partie du territoire est régie par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, signée entre les gouvernements fédéral et provincial, les Cris, les Inuits et les Naskapis. Ce traité « moderne » est décrié par plusieurs ; il aura eu pour effet d’identifier certains droits ancestraux spécifiques sur le territoire mais surtout d’éteindre tous les autres, et par extension les revendications qui pourraient en découler.  Le reste du territoire n’est cependant régi par aucun traité ni entente finale ; la question des droits ancestraux et du droit à l’autodétermination des peuples restant entière. Le territoire ancestral des Innus (Nitassinan), entre autres, se trouve dans la zone du Plan Nord. Jean Charest a répété maintes fois, dans ses discours de promotion du Plan Nord, que nous devions occuper le nord. Pauline Marois n’allais certainement pas remettre en question l’idée de repousser les frontières d’un Québec dont les aspirations nationalistes sont entravées par des territoires autochtones non-cédés et des droits ancestraux de plus en plus reconnus.

Quand Mme Marois dit : «Je vais répéter que nous continuons d'appuyer le Plan Nord dans la perspective du respect du développement durable et de la consultation des Premières Nations», elle soulève les contradictions inhérentes aux finalités –« officielle », celle du développement, et « officieuse », celle du contrôle du territoire– dudit Plan. Elle nous rappelle d’abord l’impossibilité de rendre le développement capitaliste « durable », et ensuite la fausse bonne-foi à l’égard des intérêts des Premières Nations dont se vantent les gouvernements. Les « consultations et accommodements » des Autochtones lors de projets de développement ne naissent pas d’un désir de respect et de collaboration de la part de l’État –ni de celui de remise en question des autres Plans d’usurpation du territoire qui ont eut lieu dans le passé– mais plutôt d’une obligation découlant de droits constitutionnels qui ont tardé à se définir –en partie-dans un droit qui nait de principes coloniaux et qui ne fait que réaffirmer, sous des formes distinctes, la souveraineté de la couronne sur le territoire.

Lorsqu’il est question de la « participation » des Premières Nations dans le Plan Nord, deux éléments fondamentaux doivent être mentionnés. Premièrement, les mécanismes de « consultation » auxquels doivent se plier les gouvernements lorsqu’ils planifient des projets de développement sur des territoires ancestraux ne permettent pas aux « consultés » de refuser quelconque projet, ni de remettre en question le mode de développement imposé. Deuxièmement, lorsque le gouvernement annonce aux citoyens qu’il a « consulté » les communautés concernées, il se réfère aux dirigeantEs de structures politiques imposées par la loi sur les indiens (les conseils de bande) ; des structures qui ne leur octroient pas de pouvoir décisionnel réel, puisqu’elles sont, jusqu’à ce jour, sous la tutelle du gouvernement fédéral. Si quelques dirigeants de conseils de bande ont effectivement collaboré avec le gouvernement dans le cadre du Plan Nord et d’autres ont directement signé des ententes avec des entreprises privées, quel était le rapport de force, et peut-on dire que les communautés ont été consultées ?

Qu’en est-il des membres des communautés, des utilisateurs et utilisatrices, gardiens et gardiennes des territoires ancestraux ? Ces personnes ne sont dans la plupart des cas pas consultées, ni même informées de ce qui se produit réellement sur les terres ancestrales. Plusieurs d’entre elles prennent connaissance des projets lorsqu’ils sont déjà amorcés, parfois à même leur territoire de chasse. Les personnes les plus concernées sont bien souvent les moins écoutées, et c’est dans ces conditions, afin se faire entendre, qu’elles entreprennent des mesures politiques concrètes, telles que des marches et des blocages routiers. Tant de manifestations nous rappellent que les efforts continuels d’assimilation et d’extinction des cultures des premiers occupants de ce territoire, bien qu’ayant fait des ravages, n’ont pas su éradiquer les traditions millénaires, l’identité et les aspirations légitimes d’autodétermination des Premières Nations.  

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